POURQUOI ?
J’aime commencer mes articles « bucket list » par me rappeler « pourquoi ». Je dois vous avouer que pour ce challenge en haute montagne, j’ai du mal à me souvenir comment j’en suis arrivé là… Surtout que mon image de l’alpinisme de haute montagne avant cette ascension ressemblait à ça :
Lorsque j’ai décidé de créer une bucket list avec 100 rêves dessus en novembre dernier, voyant les difficultés de trouver des idées (la preuve en image), je me suis rapidement orienté vers les défis « sportifs » et challenges « hors du commun ». « Escalader une montagne » semblait une évidence à l’époque. En me renseignant un peu sur le sujet, j’ai compris qu’une montagne à plus de 4000m était déjà un bon premier palier pour une première fois.
Comme vous le savez, si vous n’en parlez pas, personne ne vous aidera. Et l’inverse est d’autant plus vrai ! J’ai la chance d’avoir un ami incroyable, Nicolas Bigot, qui est le meilleur coach sportif du monde. Vous pensez que mon jugement est biaisé, mais pas du tout. Sa promesse est « Building the better you » et Nicolas peut coacher dans (littéralement) tous les domaines. Il m’a coaché sur mon challenge « Human Flag » ou « Top 100 Spartan Paris » et il me coache actuellement sur les challenges 2020 suivants :
- 5h30 au 70.3 d’Aix-en-Provance (si maintenu)
- 1 miles en 5 min
- 1 marathon en moins de 4 heures
- 20 tractions strictes
- Faire le tour de Paris (33km) en 3 heures
- Atteindre 12% de bodyfat
Je lui ai parlé de mon envie d’ascension, forcement il m’a répondu : « mais quand tu veux mon pote ! On se fait le mont Blanc si t’es chaud cet été ». N’en dis pas plus, c’est parti mon kiki pour le Mont Blanc !
POURQUOI 4248M ET NON 4810M ?
Je vais prendre 5min pour expliquer ce point. Pour chacun de mes challenges, j’ai le droit à des commentaires négatifs, souvent sans aucune plus-value à la discussion, dans l’optique de me rabaisser. Comme l’exemple ci-dessous.
« Donc tu n’as pas fait l’ascension du Mont-Blanc. Mais l’ascension du Mont-Blanc du Tacul. C’est pas le même sommet. C’est comme si tu nous disais j’ai fait l’Everest à 7800m lol »
J’ai appris avec les années à changer ma réaction face à cela, en passant de l’énervement à l’empathie. Après tout, s’ils prennent le temps de me suivre (rien ne les oblige), de m’écrire gratuitement avec animosité, c’est qu’ils ont sûrement besoin d’aide.
Donc pourquoi 4249m et non 4810m ? Alors qu’on approchait de la date prévue, la situation s’est aggravée au niveau du sommet, sur la voie normale, avec des énormes chutes de pierres (de la taille d’autobus selon les guides). Même le préfet recommandait de reporter l’ascension du Mont-Blanc par la voie normale et le couloir du Goûter.
Mon objectif étant +4000m, Nicolas me propose de partir sur l’ascension du mont Blanc du Tacul, situé entre l’aiguille du Midi et le mont Maudit, en Haute-Savoie, culminant à 4 248 mètres. Sounds good to me bro !
Pro tips : saviez-vous qu’on peut faire l’ascension du mont Blanc de 3 manières différentes ? Chacune avec un niveau de difficulté différent (cf schéma ci-dessous)
COMMENT ?
À ma grand surprise, en arrivant à la sortie du téléphérique de l’Aiguille du Midi (65 euros A/R et 20 minutes pour atteindre 3842 m), j’ai découvert qu’il n’y avait pas de « contrôle » et que tout le monde pouvait librement se lancer dans l’arête pour descendre aux Cosmiques. Flippant…
Il est évident que la montagne (tout comme la mer) ne pardonne pas et chaque année des gens meurent là-haut. Prendre un guide est non-négociable. Il vous faut absolument un guide qui connait bien la montagne, pratique depuis plusieurs années et (encore mieux) vous connaisse un petit peu. On n’improvise pas du jour au lendemain une ascension à +4000m.
Il vous faut le matériel, qui n’est pas le même que celui pour aller skier : crampons, piolet, baudrier, casques,… Pour ma part, j’ai eu la moitié prêtée par Nicolas, et l’autre moitié que j’ai louée chez Snell Sports directement à Chamonix (pour 100 euros les 3 jours). Votre pantalon de ski peut faire l’affaire ainsi que vos polaires, bonnets et gants.
Ensuite, la dimension météo est SUPER importante. Tu n’as pas envie de te retrouver à 4300m en pleine tempête de neige. Déjà qu’en plein soleil du mois d’aout, tu arrives à être gelé en arrivant au sommet. Il te faut un peu de chance ou avoir plusieurs jours devant toi pour atteindre la bonne fenêtre de tir.
Pour finir, vous devez vous acclimater à l’altitude. Tu ne pars pas direct de Chamonix (1035m) au Mont Blanc du Tacul (4248m). Je vous explique cela en détail dans le récit de mon aventure ci-dessous !
Nous avons pris 4 jours à Chamonix pour réaliser ce challenge. Le premier jour pour un trail de 20km dans la montagne pour monter à 2000m d’altitude. Le 2ème jour pour monter à 4000m (enfin 3900m…). Le 3ème jour pour faire l’ascension. Et le 4ème jour pour un petit trail de 10km pour décompresser.
L’ASCENSION – JOUR 1
Arrivée le dimanche soir après 9 heures de trajet porte à porte ! Aller à Chamonix, quand tu pars de banlieue, c’est un véritable pèlerinage. On se retrouve dans le gîte « Le Chalet Chamonix » pour dormir tous dans la même chambre. Je fais connaissance avec Carole, une crossfiteuse de haut niveau (elle rigole pas du tout avec une barre d’haltéro), qui mute vers le triathlon (on y vient tous!), le trail et l’alpinisme.
Petite page de publicité : je vous recommande ce chalet, ultra propre et bien situé, dont l’accueil est opéré par un couple d’une gentillesse hors du commun. Ils te préparent le petit déj à l’heure que tu veux (jusqu’à 6h du matin!), ils ont le sourire en permanence et te racontent des histoires locales captivantes.
Réveil à 07h00 pour un départ « à la cool » à 08h00. Nicolas décide de nous monter par un trail dans les montagnes pour faire la traversée du « balcon nord ». Au programme 19km de trail avec 1 437m de dénivelé en 3h29min (2020 calories brulées). Vous pouvez trouver notre parcours sur Strava.
Le but de l’exercice est double : découvrir les sensations d’un vrai trail dans les montagnes et commencer à s’acclimater à l’altitude. J’ai adoré courir sur les sentiers battus, concentré à chaque foulée pour trouver un espace où poser ses pieds. Clairement, le trail m’attire énormément et je vais commencer à m’y intéresser de près. Si vous avez des compétitions ou tracés à me recommander, je suis preneur !
On termine la journée sur les rotules. J’étais même parti pour finir à 20km au compteur, quand une violente crampe au dessus du genou droit a tué tout espoir de finir sur un chiffre rond. J’ai dû marcher en boitant jusqu’au restaurant où Nico et Caro s’étaient arrêtés. J’en viens à me demander si c’était vraiment une bonne idée d’envoyer autant, la veille de passer aux choses sérieuses…
RECAP DE LA JOURNÉE !
L’ASCENSION – JOUR 2
C’est au moment de descendre les escaliers pour le petit-déjeuner, lorsque j’ai dû m’accrocher à la rambarde pour réussir à mettre un pied devant l’autre, qu’un fort pressentiment envahit mon esprit : « mais tu ne vas jamais pouvoir aller jusqu’au haut dans cet état ». Je ne le savais pas encore, mais dans quelques heures, je m’apprêtais à vivre l’une des épreuves les plus physiques de toute ma vie…
Réveil 06h00. Petit déjeuner rapide mais bien chargé en calories. On s’équipe avec notre matériel dans le sous-sol du chalet. Il faut compter un bon kilomètre pour arriver au téléphérique. Les jambes sont lourdes et la pression commence doucement à monter. On prend la benne de 07h30, direction l’aiguille du midi !
Le but de la journée est de monter en altitude, de passer des 2000m d’hier à 4000m aujourd’hui. Pour cela, on doit partir de l’aiguille du midi à 3800m, prendre l’arête, descendre à 3500m en direction du refuge pour attaquer ensuite l’ascension jusqu’à 4000m. Cela nous fait donc +1600m de dénivelé.
Une fois les crampons mis aux pieds, on franchit la petite grille qui nous sépare de « la porte du paradis » (photo ci-dessus). Je découvre l’arête du midi pour la première fois, quelle sensation ! Tu marches sur un chemin, dont la largeur ne dépasse pas un mètre, entouré de chaque coté par une falaise vertigineuse. Tu commences à te rendre compte que ta vie ne tient pas à grand chose en haute montagne.
Il nous faudra une bonne heure pour arriver dans le creux à 3500m. Je sens que mon niveau d’énergie descend beaucoup plus vite que normalement. Je regarde le haut de la montagne, et je commence à stresser. Je commence à douter de mes capacités pour mener à bien l’objectif de la journée. Je garde mes doutes pour moi-même, mais si Nicolas les voit très bien.
On continue de grimper, mais j’ai l’impression d’avoir une fuite d’énergie dans mon corps (et mon esprit). Chaque 100m d’ascension me vide complètement. Nicolas est ferme et vif dans ces décisions. Il pousse pour que l’on garde le rythme. Sur le coup, je perçois cela comme une vraie pression. Il m’expliquera ensuite, à tête reposée, que le temps peut jouer contre nous en montagne, comme aujourd’hui, où un orage est prévu en milieu d’après midi. En clair, on ne souhaite pas nous retrouver la haut, sans énergie, en plein brouillard.
On fait une pause à 3700m (photo ci-dessous). J’alterne entre des moments de joie face à ce spectacle magique qui se déroule devant mes yeux et des moments de colère où je me demande ce que je fais là !
Arrivé à 3900m, Nicolas prend la décision qu’on s’arrêtera là, que c’est assez pour aujourd’hui. Je lui dis que je suis prêt à continuer jusqu’à 4000m, mais il m’explique que ces 100m vont m’achever, et que j’oublie le chemin retour à faire. Je me retourne pour observer notre point de départ, il me paraît si loin…
La descente se déroule correctement, merci la gravité. On arrive au bout d’une bonne heure sur le plat. Je demande à Nicolas si on repart tout de suite au téléphérique situé à 3800m, il m’explique que, vue ma tête, je n’ai pas assez d’énergie pour y arriver. Donc on opte sur une pause au refuge du midi situé à 200m plus haut sur la gauche. Je vais vivre 30min d’une rare violence, physiquement et moralement. Lessivé, au bout du rouleau, chaque pas est un enfer. Je m’arrête toutes les 5 secondes pour trouver la motivation pour continuer, je rampe, je m’accroche…
En gros, mes 200m d’ascension pour accéder au refuge ressemblent à ça :
2 omelettes champignons, 2 barres de céréales, 1 grand café et 60min plus tard, je commence à retrouver des couleurs et le sourire. Il faut néanmoins qu’on s’active car un gros nuage est prévu pour 15h00. Il nous reste « plus » que 300m d’ascension pour revenir au téléphérique du midi.
4,82km et 6h40 plus tard, nous sommes de retour aux portes du paradis. J’ai les larmes qui montent aux yeux, je suis complètement shooté aux endorphines, à la fatigue et à la joie. Quelle journée ! Et dire qu’il faut recommencer demain…
RECAP DE LA JOURNÉE !
L’ASCENSION – JOUR 3
Réveil à 5h00. On va tenter d’avoir la « première benne », celle de 6h30 pour commencer l’ascension avec le soleil levant. Cette première benne est, en temps normal, réservée aux guides et leurs clients. Mais en cette période compliquée (covid), il y a de la place pour nous !
Lors du kilomètre pour arriver au téléphérique, je me demande comment je vais faire pour réussir à mettre un pied devant l’autre une fois la haut. Je suis courbaturé de partout. Mais paradoxalement, le moral est haut beau fixe. Nicolas fait un vrai travail pour nous motiver et nous rassurer sur notre capacité à y arriver : « vous allez voir, le plus dur c’était hier. Vous avez fait un super boulot avec l’altitude. Maintenant, on va aller tout en haut. J’ai confiance en vous. »
La porte du paradis est plus belle que jamais ! J’enregistre des images fortes dans ma mémoire, pour de nombreuses années. Le soleil pointe le bout de son nez au dessus des montages, il fait beau et le temps est dégagé. La chance semble de notre côté.
On commence l’ascension. Je me sens bien, dans une forme largement supérieure à hier. Mon corps semble acclimaté à l’altitude. Je mange deux fois plus qu’hier, une barre toutes les 45min. Nicolas nous explique l’intérêt de partir très tôt et de garder un bon rythme. Nous arrivons à 3900m avec quasiment 3 heures d’avance par rapport à hier. Cela change tout ! On peut prendre notre temps et marquer les bonnes pauses quand il le faut. Résultat : on est en meilleure forme et on a confiance pour y arriver
4000m. Je regarde ma montre avec des yeux d’enfant. Je suis à plus de 4000m d’altitude ! Je n’en reviens pas. Je regarde le paysage derrière moi, nous sommes au dessus des nuages. Quelle sensation. Nicolas reste vigilant et nous explique qu’il reste encore 300m dont l’escalade du rocher final. L’escalade ?
4100m, ma jambe gauche s’enfonce dans une crevasse de tout son long. Petit saut au coeur. Plus de peur que de mal, je remonte sur le chemin et on continue…
4200m, nous voilà en bas du rocher final. Le vent souffle très fort, on a très froid. Une cordée de 3 personnes est déjà engagée dans l’escalade du rocher. Je fais part de ma peur à Nicolas qui me répond tout simplement : « Non Max, le sommet, c’est là haut. Tu es pas venu là pour être ici! ». Ok chef.
4248m. Après 30min à escalader, tant bien que mal, nous voilà sur le toit du Mont Blanc du Tacul. On surplombe les nuages, le vent est moins fort et le soleil nous réchauffe légèrement. Une sensation d’accomplissement énorme envahit mon corps. Je l’ai fait ! Oui, je l’ai fait ! Je suis tellement fier de moi.
Les réjouissances vont être de courte durée, car il y a le retour à faire et nous sommes toujours morts de froid. L’escalade me semblait compliquée, le chemin retour me semble dangereux. Nicolas me demande de descendre le rocher en rappel, je n’y arrive pas. Je préfère me laisser glisser comme une limace le long des rochers. 10 points pour l’efficacité mais 0 pour le style.
La descente se fera en moins de deux heures avec le sourire. On reste vigilants mais nous n’avons plus la pression du temps. Même la météo annonce un beau temps jusqu’à la fin de journée. On décide de remonter directement jusqu’à l’aiguille du midi sans passer par le refuge. Lentement mais sûrement, on monte chaque centimètre.
7h45 et 2000m de dénivelé plus tard (mon parcours strava), nous sommes de retour au téléphérique. Il est tout juste 15h00. Je regarde une dernière fois ma petite porte du paradis pour l’imprimer dans ma mémoire. Je suis heureux, fier, épuisé et chanceux d’avoir pû vivre cette expérience avec mes 2 camarades de cordée. Comme le dit si bien le dicton : « Make friends with pain, and you will never be alone »
RECAP DE LA JOURNÉE !
L’ASCENSION – JOUR 4
Pour « bien finir » le séjour et de profiter un peu plus de cette magnifique montagne, on décide ensemble de partir sur un dernier trail « histoire de se dégourdir les jambes ».
Direction le chalet de La Floria (1350m). Plus simple que le premier jour, on prend le temps d’apprécier le paysage. Le trail est super agréable avec une descente toute en douceur sur Chamonix. Au programme : 60min d’effort pour 8,5km et +650 de dénivelé.
Mon parcours est disponible sur Strava : ICI
CONCLUSION
Que dire de plus ? Des souvenirs gravés à jamais dans ma mémoire et une sensation de dépassement de soi comme jamais ressenti auparavant. C’est une expérience unique que vous pouvez faire et vivre de plusieurs façon différentes. Libre à vous de trouver celle que vous convient.
J’ai appris plein de choses sur la montagne et l’alpinisme, comme faire un noeud de 8 ou un demi-cabestan. C’est aussi un moment de partage entre camarades de cordée. Vous vivez ensemble pendant 4 jours, accrochés les uns aux autres.
J’en profite pour remercier une nouvelle fois Carole, qui a montré une motivation sans faille, un sourire à toute épreuve et surtout… a supporté mes nombreux à-coups quand j’étais en tête de cordée ! Et bien sûr, MERCI NICO PUTAIN ! Merci mille fois mon pote d’avoir réalisé mon rêve, l’un des plus fous de ma bucket list. Vivement notre prochain défi ensemble.