Mon aventure commence ici > jour 0 & 1
JOUR 2 : AUX BORDS DES LARMES (58km en 3h22)
Vous pouvez m’appeler Pinocchio car j’ai les jambes en bois au réveil. Aujourd’hui, je m’apprête à affronter une nouvelle difficulté : la pluie. Rapide coup d’oeil sur l’appli « Weather Pro » qui annonce un orage « avec risque de foudre » vers midi. Ambiance.
Rapide calcul : il est 06h30 du matin et je suis à 61km soit 3h20 selon Google Map. Si je pars donc à 07h00, ça devrait le faire pour arriver avant l’orage. Mon hôte Airbnb me dit : « s’il pleut trop, tu peux t’arrêter à la station service à 10km. Mais attention, car après il n’y a plus rien jusqu’à Makarora ! ».
30 min plus tard, je chevauche mon vélo et c’est parti mon kiki ! Il fait frais et des fines gouttes d’eau commencent à tomber.
Une erreur fatal va me fracasser le moral
45 min plus tard, je passe la station service. Jusqu’ici tout va bien, je roule correctement malgré le vent de face et la pluie fine. Soudain, une pensée surgit dans mon esprit : « OH MY FUCKING GOD ! Non. Non. Non. S’il vous plait, me dites pas que j’ai oublié mon chargeur de mac et ma batterie portable ».
Mon coeur s’accélère, j’ouvre mes 2 sacoches à l’arrière. Rien. J’ouvre mon backpack. Rien. Je me fais à l’évidence : j’ai oublié mon chargeur et ma batterie à l’Airbnb.
La pluie s’intensifie. Je regarde ma montre qui indique 10.5km / 45 min. Donc si je dois faire faire l’aller/retour, cela me prendra 2 heures. Je suis aux bords des larmes. J’appelle mon hote airbnb : « Désolé maxime, je suis déjà au travail mais je peux voir si ma voisine peut venir te les apporter. Donne moi 30 minutes » Ok je vais attendre. Je fais demi-tour pour m’abriter à la station service.
30 min plus tard, elle m’explique que sa voisine pourra être là dans une heure. Ok j’attends. Je commence à prendre froid et chaque minute, j’ai le moral qui chute. Je prends un café pour essayer de me réchauffer. Franchement à ce moment là, j’ai qu’une envie : tout abandonner et rentrer à Sydney.
Il pleut maintenant des cordes avec un vent de folie. Rapide coup d’oeil sur la météo : cela devrait passer à partir 16h00. Je craque, il est 10h30… Je m’assoie par terre et je commence un combat contre moi-même pour ne pas abandonner.
Un petit coup de pouce du destin
Vers 11h00, une bike-packeuse débarque dans la station service pour prendre un café. Elle fait 1m60, chargée comme un mulet et pourtant, le sourire jusqu’aux oreilles. On discute. Elle m’explique que la pluie, ce n’est pas grand chose et que le corps reste chaud avec l’effort physique. Elle va changer mon état d’esprit en une phrase : « Moi aussi, je vais à Makarora, je bois mon café, et j’y vais ! ». Une voix s’élève dans ma tête : « Maxime, tu es vraiment une sale mauviette. ». J’ai la bonne idée d’acheter 3 petits sandwichs, et 10min plus tard, je suis sur mon vélo.
Bizarrement, la pluie se met à diminuer (mais pas le vent). Je commence à comprendre que je vais dans le même sens que l’orage, mais celui-ci avance plus vite que moi. Il disparait de ma vue petit à petit.
Je commence à retrouver le sourire !
Un vent de face à 22km/h
Ce n’est que le soir, en discutant avec des bike-packeurs dans mon camping, que j’ai compris la cause de mon malheur. Certes, je suis un triathlete avec un joli vélo et de belles sorties à 80km. Mais la majorité de mes sorties sont dans Paris (donc plat), par beau temps ou alors sur ZWIFT dans ma chambre (donc pas de vent). Je ne connais pas les conditions « extrêmes » (du moins pour un novice comme moi).
Pendant les 50km qui vont me séparer avec le camping, je vais me taper un vent de face de 22km/h. Sur le moment, je ne réalise pas ce qui se passe. Je m’insulte moi-même à cause de ma vitesse moyenne.
Chaque kilomètre est un enfer.
50km : cassé mentalement et physiquement.
En regardant mon sac, je réalise qu’il me reste 3 bananes, un paquet d’amandes grillées, 2 sandwichs et mes pochettes de flocons d’avoines. Je croise un café 5km avant d’arriver au camping. Je m’arrête pour prendre des ravitaillements. La caissière me réponds : « On ne sert plus à manger. Non, il n’y pas de supermarché avant 60km (d’ou je viens en gros) et demain on ouvre pas avant 10h00. »
Je commence à paniquer. Demain, j’ai 120km au programme. Comment vais-je faire ?
7h51 plus tard (dont « seulement » 3h22 de vélo), je termine les 58km de la journée. J’arrive à l’accueil du camping, je prends ma chambre, je m’assoie sur la chaise à l’entrée et je mange un sandwich. Je prends une douche et je repars dans le lobby pour avoir internet et écrire ces lignes.
Deuxième petit coup de pouce du destin
Je croise un bike-packeur sur son téléphone. Je lui dis bonjour et on commence à discuter. Il s’appelle Raphael Kanopf et son histoire est dingue. Il vient de terminer son 62ème jour sur le vélo, avec zéro dollar. Oui, vous avez bien lu. Chaque matin, il ne sait pas où il va dormir, ni ce qu’il va manger. Ce n’est pas tout ! Il fait le tour complet du pays (7000km) en suivant les côtes, le tout en moins de 90 jours.
Pourquoi ? Pour lever de l’argent pour une association d’aide à la santé mentale. Je suis petit bras à coté mais il me propose néanmoins qu’on ride ensemble demain. Départ 07h30. Deal !
Je rentre me coucher avec le sourire. Je ne serai pas seul sur la route demain ! Sauf que je suis loin d’imaginer ce qui m’attend…
Fin de la journée : mon activité sur strava !
JOUR 3 : RIDE TOGETHER, DIE TOGETHER (140km en 6h07)
Réveil à 06h00 pour ma méditation de 30 min, mes 4 min de gainage et mes 100 pushups. J’ai 125 pushups de retard sur mon planning (challenge : 10 000 pushups en 90 jours)
J’arrive à 07h00 comme prévu à la cafétéria pour retrouver Raphael. Aucun signe de lui. 07h30 l’heure du départ, il n’est toujours pas là. Je commence à penser qu’il est parti en solo. 07h36, il arrive à l’accueil.
« Ready to go french boy ? »
Je lui propose de lui offrir un café avant de partir. 08h00, nous sommes sur la route pour Haast (80km). Quel bonheur de voyager à deux ! On discute, on fait connaissance, le temps passe vite.
Mais pas la douleur. Dès le kilomètre 20, je suis lessivé, sur les rotules. Tout me fait mal, le haut du tibia, mes fesses, mes genoux et le bas du dos. Raphael semble en pleine forme, ça me flingue encore plus le moral.
Raphael continue à rester devant pour faire « le lièvre ». Je fixe la roue arrière de son vélo et j’essaie de faire le vide dans mon esprit. Au kilomètre 25, nous entamons une longue descente. Cool pour les jambes, mais le reste de mon corps est gelé par la vitesse et le froid…
Les voitures nous saluent ou nous encourage d’un coup de klaxons. Ca fait du bien ! Kilomètre 50, mon corps me demande des calories à bruler. Je regarde ma montre toutes les 5 minutes (l’erreur). Je ne sais pas comment je fais pour continuer. Nous arrivons enfin à Haast après 3h28 de vélo (temps total : 4h10).
Fin de la première étape : mon activité sur strava !
On capte pas la 3G donc on décide d’aller dans le motel où j’ai ma réservation. L’accueil n’ouvre pas avant 14h00, il est 12h00. On décide de continuer. On tombe sur une office de tourisme. On demande où on peut capter internet et acheter de la nourriture. Réponse : « Il n’y a pas de couverture réseau ici et pas de wifi. Pour la nourriture, il n’y a que la station service à 5km plus loin. Sinon un café/motel en face de la station. »
L’idée qui va tout changer, vraiment tout.
On arrive lessivés au café/motel. Je commande 2 coca-rouges et deux plats de pates pour tous les deux pour récupérer de l’energie. Raphael me sort : « Dude, your bag is way to heavy, why you don’t send stuff back to your place ? I did it on my first week. » Putain, mais pourquoi je n’y ai pas pensé avant ! J’aperçois un signe « WIFI » au coin du bar, on est sauvé ! Il y a une post-office à Haast (à 6km) ! On décidé d’y aller pour tenter le coup. Mon moral est à 200% !
Raphael me soumet l’idée de continuer à rouler pour profiter du beau temps et de l’absence de vent. Si je veux rester ici, il va continuer. Franchement, j’ai pas envie de continuer seul pour le moment. J’ai déjà payé le motel à Haast, mais voyons voir si je trouve un lit vers le lac Paringa. Oui, il y a un camping avec une chambre deux lits ! Je m’empresse de la prendre.
On part du café/motel en direction de la post-office. Mon coeur commence à s’accélérer. J’essaie de calmer ma joie pour éviter le potentiel ascenseur émotionnel. Si je ne peux envoyer de colis à Sydney, mon moral va être fracassé à nouveau. La post-office est à l’intérieur d’un garage. Ca sent pas bon… J’entre et tombe sur une femme toute souriante.
– Elle : « comment puis-je vous aider ? »
– Moi : « est-ce possible d’envoyer un colis de vêtements à Sydney ? »
– Elle : « oui bien-sûr. Il peut même partir cette après-midi »
EXPLOSION DE JOIE ! Je prépare le carton avec les affaires inutiles : 2ème paire de sneakers, jeans, chemises, etc… Elle prend le carton pour le peser. Tenez-vous bien, il pèse 6.4kgs ! C’est juste énorme. Mon aventure va être complètement différente maintenant !
On reprend la route direction Paringa. J’ai le sourire jusqu’aux oreilles, mon vélo me parait si léger. Mon sourire va tenir quelques kilomètres. Au kilomètre 26, on commence une ascension, avec des pentes à +12%, qui va durer 50 minutes.
Mon cerveau est OFF, je suis mécaniquement la ligne blanche sur le coté. Au kilomètre 44, on repart sur une montée qui va durer 20 minutes. Tuez-moi, achevez-moi, j’ai envie de pleurer.
140 km de vélo et 10 heures de trajet plus tard
Nous sommes partis à 07h30 du matin, nous arrivons à 17h30, soit 10 heures porte à porte. Je ne pensais que j’étais humainement capable de faire cette performance. Dès que nous voyons l’entrée du camping à 100m, on ne pense à plus rien d’autre. Les jambes s’accélèrent, on veut en finir !
On prend la chambre, on enlève nos sacs de nos vélos et on ferme vite la porte. C’est le pays des moustiques ici ! Je mange tout ce que je trouve à porté de main. Raphael me propose d’aller dans le lac se baigner. Bonne idée, l’eau vient des glaciers donc nous aidera à récupérer.
On rencontre un couple de français dans le lobby du camping. Ils font le tour de l’île dans un gros van JUCY. Ils préparent une salade et on prépare une omelette avec la seul chose qu’on a trouvé sur le chemin (12 oeufs et du pain). Merci à eux pour nous avoir partagé cette délicieuse salade (et ce verre de vin).
Raphael a trouvé de la lessive, on va pouvoir laver nos affaires à la main. On se rend compte après qu’il est trop tard pour que cela sèche dans la nuit. Idée de génie de Raphael : mettre le radiateur à fond dans la douche et fermer la porte pour faire une « dry-room ». Le WIFI marche très mal. 21h00, j’abandonne et m’effondre sur le lit.
Fin de la deuxième étape : mon activité sur strava !