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JOUR 8 : UNE JOURNÉE EN ENFER (143km en 6h27)
Je savais que cette journée allait être compliquée physiquement à cause de la distance. Mais je ne pensais pas qu’elle allait me briser mentalement. Ps : vous trouverez à la fin de cet article, ce que je retiens de cette expérience.
Réveil à 06h00 pour un départ à 06h30.
Mon objectif est d’arriver le plus rapidement à Ashburton, environ 95km / 5 heures de vélo, pour pouvoir faire une déjeuner au chaud. Je sais que la pluie m’attend sur le trajet. Dès les premiers coups de pédale, je sens une légère pluie fine sur mon visage. Ça sent pas bon.
Je galère complètement à rejoindre la voie rapide. Je passe par des chemins en terre (photo ci-dessous) où je me retrouve en plein milieu des champs. La pluie se fait encore timide donc rien d’alarmant pour l’instant.
2 heures et 42km plus tard
Je m’élance sur la voie rapide qui sépare Christchurch et Ashburton. Je vais apprendre deux mauvaises nouvelles :
– C’est tout droit sur 100km jusqu’à mon arrivée donc bonjour l’ambiance.
– Il n’y a pas de piste cyclable, donc je vais côtoyer (de très près) les voitures et les énormes poids lourds.
Kilomètre 64, la pluie s’intensifie d’un coup. Je m’arrête dans le premier café de la première ville sur mon trajet. Une fois dedans, j’enlève rapidement mon coup-vent trempé et je tente de me réchauffer avec un café et ma serviette. Je ne dois pas m’éterniser, je m’accorde une pause de 30 minutes (et un muffin chocolat).
Reprise du vélo, je suis gelé de la tête aux pieds (mouillés). Je commence à mouliner vite pour générer de la chaleur. Quelques minutes plus tard, la sensation de froid a disparu. Notre corps humain est quand même une belle machine !
L’esprit humain est plus compliqué par contre. Le mien commence à me jouer des tours et à imaginer les pires choses qui pourraient m’arriver. Il a dû être entendu…
10km plus tard, c’est le déluge !
Il pleut des trombes d’eau, j’ai du mal à voir correctement. Chaque camion qui me dépasse m’envoie une gifle d’eau. Je ne sais pas quoi faire donc je continue à pédaler fort et vite. Le pire moment : je dois prendre un pont de 800m sans bas côté. Je suis en panique avec les voitures impatientes qui me doublent en me frôlant.
Rapide coup d’oeil sur ma montre, il me reste 20km jusqu’à Ashburton soit 1 heure de vélo.
Une expérience mentale aussi violente que fascinante
À partir de là, je vais vivre une expérience mentale aussi violente que fascinante. Mon corps va se mettre en mode survie, comme si un systeme de sécurité s’était allumé tout seul. Je ne sentirai plus la douleur dans mes jambes ou mes fesses et surtout je ne vais quasiment penser à rien. Mon esprit est focus à 100% sur la route, les camions et les kilomètres affichés sur ma montre.
Je suis loin d’être un aventurier de l’extrême ou un athlète de haut niveau. Je suis néanmoins impressionné par ce que mon corps est capable d’endurer. Je roule sur le bord de la route depuis maintenant 5 heures par une pluie battante. Mais je sais que si je m’arrête, je vais juste mourir de froid. Il y a strictement rien pour m’abriter.
Pour pimenter le tout, chaque camion me fait vibrer dangereusement avec l’appel d’air créé par la vitesse. J’ai l’impression d’être en transe (ultra-anxiogène), je ne suis plus vraiment maitre de moi-même…
Arrivée à Ashburton vers 12h00 avec 95km dans les jambes.
Rapide coup d’oeil sur GoogleMap pour trouver un restaurant sympa. Je pousse encore sur 2km. Je sors un pull et une serviette de mon back-pack. J’étends mes affaires mouillées dans le restaurant et j’essaie de me réchauffer tant bien que mal. Fin de la première partie. J’ai les larmes aux yeux.
Mon corps ne veux pas remonter sur le vélo
45 minutes viennent de s’écouler. Je ne veux pas remonter sur le vélo. Il pleut toujours et il me reste encore 55km de vélo soit 3h30 minimum. Je me bats avec moi même pour trouver les bons arguments pour continuer. « Tu vas pas dormir ici ! Tu peux pas avoir plus froid ! Tu peux pas avoir plus mal ! Foutu pour foutu ! »
Je tourne cela en positif :
– Que je suis déjà en train de souffrir donc autant que cela serve à quelque chose !
– Que cette journée restera gravée dans ma mémoire !
– Que je vais en sortir (si je meurs pas) grandi avec pleins de choses à raconter !
15min plus tard, je remonte sur le vélo. Je ne le sais pas encore mais je vais oublier mon chapeau « coup de coeur » et ma batterie portable dans le restaurant. « Maxime, accept as it is ».
Début de la deuxième partie
Au bout de quelques minutes, je sens l’eau me pénétrer jusqu’aux os. Je n’arrive pas à me réchauffer, je pédale plus fort malgré la douleur située juste au dessus des genoux. Oui, car je n’ai pas de cale au pied, donc j’utilise que la force de « pousser » et non « pousser + tirer ».
Vers la fin, la pluie commence à se faire plus fine. Au point où j’en suis, je ne vois pas cela comme une bonne nouvelle. Kilomètre 110, on quitte le « tout plat » pour arriver sur un léger dénivelé. Je n’aurai peut être pas du insulter la pluie, car le vent se lève et rejoint la partie. Chaque kilomètre est un enfer.
Mon esprit passe par des endroits très sombres
J’en viens à douter de mes capacités, à me demander si ma vie est pas en danger (même si cela parait ridicule) ou encore à tout remettre en cause. Je me sens comme un incapable prêt à abandonner, sûrement la pire chose pour moi.
J’entends toutes ces voix, tous ces commentaires que je reçois depuis de nombreuses d’années sur les réseaux sociaux : « tu as besoin de te prouver quoi ? », « mais pourquoi tu fais tout ça ? », « tu sera jamais satisfait de toute façon », « tu dois vraiment avoir un gros manque de confiance en toi pour faire tout ça »…
Du mode « survie » au mode « panique »
Kilomètre 128, je quitte la voie rapide. Plus de camions pour me secouer. Mon esprit quitte petit à petit le mode « survie » et revient sur le mode « panique ». Je me mets à penser à demain (95km au programme) et à imaginer que je risque de vivre la même chose qu’aujourd’hui. L’angoisse. Je me concentre sur ma respiration pour faire le vide dans ma tête.
La journée la plus éprouvante physiquement et mentalement de toute ma vie.
143km et 8h49 de trajet plus tard, j’arrive à destination. Les hôtes me regardent avec compassion et tentent de me mettre à l’aise. J’ai dû mal à parler, je veux juste aller sous une douche chaude. Je n’ai jamais rien vécu d’aussi dur physiquement et mentalement de toute ma vie.
Je me fais un porridge et je me couche à 21h00. Je vais me réveiller presque 10h00 plus tard….
Ce que j’en retiens
Pour commencer, j’aimerais remercier mes amis proches qui me soutiennent au quotidien avec leurs messages.
Ils se reconnaitront, merci à vous <3
Au moment où j’écris ces lignes, cela fait 2 jours que cette journée est passée. J’ai eu de nombreuses heures (sur le vélo) pour y réfléchir. La première chose qui vient à l’esprit est « cela aurait pu être pire ». Oui, c’est facile à dire après coup. Je m’en sors sans blessure, sans incident et sans avoir abandonné.
J’en tire les enseignements suivants :
– « Seul ceux qui vont trop loin, peuvent savoir jusqu’où ils peuvent aller ». Je ne pensais pas être physiquement et mentalement capable d’endurer cette journée. Il y a encore quelques semaines, j’aurai situé ma propre limite très loin de tout cela. Je ne souhaite pas revivre cette journée, mais elle a renforcé ma confiance sur mes capacités à aller chercher les ressources nécessaires pour aller au bout des choses.
– Notre corps humain est une machine incroyable et fascinante. Il est capable de réagir tout seul face à des situations de stress ou de danger. Nous avons un véritable potentiel en nous pour surmonter des épreuves plus importantes qu’on ne le pense.
– « L’eau, ça mouille ». Plus sérieusement, quand je repasse la journée dans ma tête, je vois juste un galérien sur son vélo en train de prendre l’eau et le froid. Je ne suis pas au milieu de l’Antarctique ou en pleine zone à risque, je suis en Nouvelle-Zélande avec de nombreuses voitures qui passent sur la même route que moi. En clair, si on regarde d’un oeil objectif la situation, il y a 0% de chance qu’il m’arrive quelque chose de grave. Toutes les phases de panique ou de peur ont été créées par mon mental tout seul. Nos peurs sont notre création, elles n’existent pas dans le moment présent.
– C’est l’aventure ! Je parcours le pays avec mon vélo depuis bientôt 2 semaines. Chaque jour est une aventure, chaque moment est un souvenir gravé dans ma tête. Il est loin le « Maxime qui voyage que dans les hôtels et les grandes villes ». Tous mes prochains voyages ne seront bien sûr pas forcement à vélo, mais j’ai très envie de recommencer l’expérience « Bike-Trip ». Par contre, je serai mieux préparé, mieux équipé et surtout accompagné ! Comme l’écrit si bien Chris McCandless (Into The Wild) dans son journal : Happiness is Only Real When Shared.
Fin de la journée : mon activité sur strava !