Après avoir traumatisé mon corps pendant plus de 5h30 samedi dernier lors de mon premier triathlon “long distance” à Deauville, mon coach a passé un deal avec moi : ne pas faire de sport pendant 5 jours complets.
Et je parle bien d’un “deal”, car il a dû négocier fort pour me faire accepter de ne rien faire pendant “une aussi longue période”. À partir du moment, où c’est une bataille avec vous même pour ne pas faire quelque chose pendant 5 jours, on peut clairement parler d’une addiction. Elle porte le nom de bigorexie.
Les chercheurs et thérapeutes qui travaillent sur le sujet de la bigorexie et soignent les personnes atteintes estiment que 10 à 15% des sportifs ayant une pratique intensive souffrent en réalité d’une véritable dépendance. Et confirment que la haute compétition n’est pas une condition pour développer une bigorexie.
Donc quand mon coach, le lendemain de la course, m’a envoyé cet article, qui explique l’importance de prendre une “coupure annuelle” après une grosse compétition, j’ai failli tomber dans les pommes.
Cette coupure annuelle se décompose en 4 phrases :
- La première semaine sert à soigner les petits bobos et à vous déconditionner physiquement et mentalement de votre sport.
- La deuxième semaine, vous parvenez enfin à vous déconnecter psychologiquement et à penser à autre chose qu’à la course.
- La troisième semaine, vous êtes enfin en vacances et vous vous régénérez.
- Au cours de la 4ème semaine, il faut penser à la planification de la saison suivante et à la programmation des prochaines semaines, source importante de motivation.
Je sais que le repos est une partie importante de l’entrainement et je l’accepte enfin avec mon jour de repos une fois par semaine. Mais aujourd’hui, je me rends compte de mon addiction au sport.
S’en rendre compte, c’est déjà faire la moitié du chemin ?
Je me suis donc demandé pourquoi s’entrainer autant et se faire souffrir autant était aussi addictif. Mon ego et moi-même (oui, c’est clairement l’égo qui est aux manettes), nous y voyons de nombreux bénéfices (non classé par ordre d’importance) :
- Tu manges ce que tu veux. Qu’on se le dise, quand tu brûles 4000 calories par jour en moyenne, tu as carte blanche pour manger tout ce que tu veux. Littéralement tout ce que tu veux ! 10 tartines au beurre de cacahuètes avec de la confiture le matin ? Pas de problème. Commander 2 entrées et 2 plats au restaurant ? Pas de problème. C’est addictif de pouvoir manger autant, tout en restant aussi bien foutu…
- Tu te vides l’esprit. Passer 4 heures sur un vélo à regarder la route qui défile devant tes yeux, c’est de la “méditation sous stéroide”. Au début, les pensées s’entremêlent, puis quand la douleur se fait sentir, tu te concentres sur elle et tu rentres “dans le flow”.
- Tu repousses tes limites. Il y a ceux qui font du sport pour transpirer, ceux qui font du sport pour s’amuser et ceux qui font du sport pour le dépassement de soi. Je suis le cliché de la 3ème catégorie, qui peut déprimer à l’idée de perdre ses datas Strava à la fin d’une sortie en course à pieds. Mais qu’est que c’est bon de se dépasser, de repousser ses limites !
- Tu n’es jamais malade. Genre jamais. Même pas un rhûme en hiver.
- Tu dors comme un bébé. Genre partout, à n’importe quel moment. Et dans un sommeil profond.
- Tu es dans une forme olympique. Je ne fais pas référence simplement à l’aspect “visuel”, même si cela est fort appréciable, mais à cette hallucinante énergie que tu as en ta possession. Je suis convaincu que l’énergie est un “muscle” comme un autre et que cela peut se travailler avec le temps. Je n’ai jamais eu autant d’énergie qu’aujourd’hui à mes 35 ans.
Comme tout super-pouvoir, il y a aussi le coté obscur de la force…
- Tu y consacres beaucoup (trop) de temps. Si on parle de 14 heures de sport effectif par semaine, il faut rajouter les heures de préparation avant et après les sessions. En gros, on monte à 18 heures. C’est l’équivalent d’un mi-temps quand on y pense…
- Tu as besoin d’une dose toutes les 48 heures. Un jour off, c’est ok. Deux jour off, c’est dur. 3 jour off, c’est un enfer. Tu as besoin de ta dose de sport pour te sentir bien ou pour bien commencer la journée. Avec le temps, comme le café, tu as besoin d’une plus grosse dose. Quand au début, un simple 5km de course pouvait faire l’affaire, maintenant, tu aimes pousser à 15 ou 20km pour avoir l’impression “d’avoir fait quelque chose”.
- Tu te fais des films. Le corps est une belle machine plus intelligente qu’on le pense. Cela ne nous empêche pas de penser qu’on prend du poids en 24 heures. On se regarde dans le miroir et on commence à s’observer différemment.
- Tu n’écoutes pas ton corps. Combien de fois cela m’est-il arrivé, d’être fatigué au point de pouvoir dormir debout, mais de forcer l’entrainement ? Des milliers de fois.
- Tu t’isoles. Surtout dans les sports d’endurance comme le triathlon. Tu passes des heures seul sur ton vélo, tu es seul au réveil à 06h00 pour aller à la piscine, tu es seul le soir quand la nuit est tombée pour aller faire ton fractionné sur les quais. Je dis pas que c’est une généralité, nombreux sont ceux qui arrivent à conjuguer vie sociale (et/ou famille) et gros entrainements. D’ailleurs, énorme respect.
- Tu n’es jamais satisfait. Faire un triathlon “olympique” (1,5km nage + 40km vélo + 10km run) me semblait impossible en 2019. Tout comme mon premier « long distance” (2x “olympique) le mois dernier. Tout comme le full Ironman (4x “olympique) auquel je suis inscrit en 2021. Je commence même à regarder du coin de l’oeil maintenant les ultra-trail…
La bigorexie, parfois appelée sportoolisme, est une dépendance à l’activité physique qui concerne les personnes devenues dépendantes par suite d’une pratique excessive du sport.
Identifiée dès le milieu des années 1970 par le docteur William Glasser, elle est reconnue comme dangereuse par l’Organisation mondiale de la santé depuis 2011 ; elle touche principalement les adeptes des sports d’endurance ou de culturisme.